La première fois que je me suis présentée au Bureau des services à la jeunesse (BSJ) pour obtenir du counseling, j’étais en 7e année. J’avais presque 13 ans. Ma famille venait tout juste de vivre une période difficile. Je suis l’enfant du milieu et je gardais en quelque sorte la famille ensemble. J’étais très forte. Il me semblait que les gens de mon entourage recevaient de l’appui, mais moi, je me sentais seule.
Entre 13 et 17 ans, j’ai souvent déménagé. Mon père a essayé de se suicider, ma mère était déprimée et a commencé à consommer des drogues, et mon frère a été placé dans une famille d’accueil. J’ai fini par prendre soin de tout le monde. J’étais vraiment déprimée; ce n’était pas beau à voir. Lorsque je me suis trouvée un copain, ma mère était en désaccord et m’a mise à la porte.
Elle m’a dit, « Va-t’en et ne reviens pas après l’école! »…Et je ne suis pas revenue, pour de vrai. J’ai maintenant 25 ans et je vis de façon autonome depuis ce jour…Pourtant, je me sens comme je vis ainsi depuis l’âge de 14 ans.
J’ai vécu quelque temps à l’Abri pour jeunes femmes. Ensuite, la conseillère en orientation de mon école a suggéré que je rencontre une fille avec qui j’ai ensuite partagé un appartement. Le locateur nous dérangeait toujours. Il venait chez nous sans avertissement. La goutte qui a fait déborder le vase est quand il a accusé une de mes colocataires d’avoir volé quelque chose dans son garage. Il l’a violemment agressée et un de ses amis tenait un couteau à la gorge de l’ami de ma colocataire! Après cet incident, je ne pouvais plus rester là.
J’ai déménagé dans le sous-sol d’un des anciens copains de ma mère. À l’époque, ma mère et moi ne nous parlions plus.
Environ un an plus tard, j’ai reçu un appel du BSJ pour m’informer qu’un nouvel immeuble était disponible et que j’étais la première sur la liste pour un hébergement à long terme. J’ai obtenu un appartement à une chambre à coucher. C’était le plus beau logement que j’avais eu. J’y ai vécu pendant trois ans, c’était incroyable!
Je n’avais pas vraiment de camarades de classe lorsque j’ai terminé mes études secondaires, mais l’hébergement du BSJ m’a permis de me trouver des amis de mon âge qui vivaient une réalité semblable à la mienne. Ma vie n’avait pas à être axée sur la confusion, la tristesse et les responsabilités familiales inutiles. Lorsque j’ai reçu mon diplôme d’études secondaires, j’ai reçu une Médaille de détermination du BSJ. C’était si important à mes yeux; je l’ai encore.
Les locataires et le personnel du BSJ se rencontraient régulièrement afin de déterminer les activités communautaires auxquelles nous aimerions participer. Mon expérience préférée a été celle où nous avons décidé de planter un jardin. Je suis vraiment fière de ce jardin, il était immense! Je prenais soin de ce jardin comme s’il avait été un enfant. Je le nourrissais de mon âme; je l’arrosais soir et matin; j’arrachais les mauvaises herbes. Nous avions des poivrons, de la laitue, des concombres, des tomates, de la basilique, des carottes, des radis, des patates, des haricots, des pois et des aubergines. J’avais même aménagé un coin pour des baies sauvages!
Si je n’avais pas eu la chance de vivre dans les appartements du BSJ, je n’aurais peut-être pas découvert mon amour pour le jardinage. Outre le fait de m’avoir gardée en sécurité, le BSJ m’a permis de faire cette découverte. Cela, c’est un vrai cadeau. J’ai pu voir des enfants grandir et m’asseoir à table pour regarder les oiseaux dans leurs cabanes, à ma fenêtre.
Le BSJ a cru en moi alors que personne d’autre n’avait confiance. Pendant six mois, j’ai été très malade, j’ai perdu beaucoup de poids, j’ai dû subir une chirurgie et j’étais très faible. Même si j’étais un peu en retard pour payer mon loyer, ils étaient toujours compréhensifs. Je ne peux pas imaginer ce que j’aurais fait si j’avais été malade alors que je vivais à un autre endroit.
Lorsque je me suis rétablie, j’ai fréquenté le collège et le BSJ à continuer à croire en moi. Maintenant, je travaille pour un organisme communautaire qui offre des logements à prix abordables.
Je crois que pour réussir, il faut avoir de l’appui. C’est important d’encourager et de s’occuper des jeunes ainsi que de favoriser l’estime de soi. Parfois, c’est si difficile d’avoir confiance en soi. Je crois qu’une partie de ce que BSJ fait est de se soucier des jeunes qu’il aide. Je n’ai pas eu ce souci de la part de ma famille immédiate. J’avais ma grand-mère, mais elle vivait dans une autre province. Je ne peux pas imaginer ce que j’aurais fait et ce que je ferais maintenant si je n’avais pas eu le BSJ dans ma vie.